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La dépression est le trouble psychiatrique le plus fréquent chez les personnes âgées. Dans cet article, nous nous proposons de définir les différentes formes du trouble dépressif, les spécificités de cette maladie chez les personnes âgées, et comment aider un proche atteint par cette pathologie.

Le trouble dépressif, comme toutes les autres affections mentales, se définit par les différents symptômes qu’il présente. Le Manuel Statistique et Diagnostique des pathologies mentales (DSM) se propose de le définir comme tel : « un état de tristesse général suffisamment sévère et persistant jusqu’à venir perturber le fonctionnement quotidien. ».

Un état de tristesse ou de chagrin peut, dans le langage courant, être abusivement appelé dépression. Il évoque un ressenti passager, léger, qui vient en réponse à une expérience désagréable. Les troubles dépressifs sont, eux, une véritable pathologie. Chez les personnes âgées, on estime à 40% les cas de dépressions qui échapperaient au diagnostic médical par manque de conscience de ce qu’est cette maladie (1). La personne âgée elle-même et sa famille ne prennent pas en considération cet état et l’associe au processus normal de vieillissement, ou un état, comme dit ci-dessus, de chagrin banal.

De plus les symptômes d’un trouble dépressif peuvent être confondus avec des comorbidités médicales et neurologiques et donc être souvent mal diagnostiqués chez les personnes âgées. Pour autant, la dépression peut avoir de graves conséquences sur la vie de la personne sans suivis thérapeutiques ou sans traitements médicamenteux.

Les différents symptômes de la dépression

Les signes d’un trouble dépressif chez le sujet adulte sont rédigés comme tels dans les dernières versions du DSM. Pour permettre un diagnostic et donc démarrer un suivi thérapeutique adéquat, le sujet lui-même et son entourage peuvent observer ces différents signes :

  • Une humeur dépressive signalée par la personne elle-même ou son entourage.
  • Une perte d’intérêt ou de plaisir pour les activités du quotidien.
  • Une altération de l’appétit accompagnée d’une prise ou perte de poids significative.
  • Une altération du sommeil avec par exemple une somnolence diurne ou des insomnies nocturnes
  • Une diminution de l’activité psychomotrice avec une position allongée ou assise toute la journée
  • Une diminution de l’énergie souvent en lien avec la perte d’intérêt ou de plaisir à faire les choses
  • L’émergence d’idées de dévalorisation, de culpabilité
  • Une altération de l’activité cérébrale, cognitive, intellectuelle, avoir du mal à penser, à se concentrer, à prendre des décisions.
  • L’émergence d’idées de mort, de pensées suicidaires ou même de passage à l’acte

Sans équivoque, il est important de préciser que seul un professionnel médical est en capacité de poser un véritable diagnostic. L’entourage reste le premier moteur pour aller voir un docteur.

Ces symptômes sont aussi à repérer s’ils viennent modifier des comportements déjà connus par exemple, si une personne sombre dans des affects négatifs, que son comportement change graduellement, qu’apparaissent des attitudes agressives ou de repli sur soi, alors de proposer à la personne en souffrance de rencontrer un psychologue, un psychiatre, ou le médecin traitant serait de bonne augure. Il ne sera par exemple pas nécessaire de s’inquiéter si une personne âgée ne sort plus quand tout au long de sa vie adulte elle n’éprouvait pas un attrait pour les activités physiques. Si une personne souffrait d’insomnies chroniques, il n’est pas non plus judicieux d’inscrire ce signe encourageant un diagnostic positif de dépression.

La personne âgée, quand elle est reçue par l’équipe médicale, doit être prise en compte avec l’entièreté de son vécu passé. On ne peut faire l’économie de ses antécédents médicaux, et de ses anciennes habitudes de vie.

L’ADIAM ayant un service Solidarité financé par la Claims Conference, est en contact très étroit avec la communauté des survivants de la Shoah. Leur passé traumatique les rend plus vulnérables à la survenue d’affects négatifs. La culpabilité qu’éprouvent certains à être encore en vie quand d’autres sont morts si jeunes, l’incapacité pour certains de se voir vieillir quand ils n’ont pas vu leurs parents le devenir, la conscience plus prégnante de leurs souvenirs cristallisés par le temps qui passe, tous ces signes sont à prendre en compte dans les antécédents au moment du diagnostic.

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Les particularités de l’apparition du trouble dépressif et du vieillissement

Il est essentiel de se rappeler que certains évènements, difficiles à gérer, pouvant être déclencheurs d’affects dépressifs, sont souvent vécus par les séniors. On parle d’évènements comme la perte d’un proche, l’annonce d’une maladie grave, la chronicisation d’une souffrance, la baisse de revenus financiers, la perte progressive ou brutale d’indépendance, l’isolement social. Particulièrement fragilisants, ces événements sont souvent expérimentés par les personnes âgées. Cela peut-être même la première confrontation à ces pertes au cours de leur vie. Le regard encore majoritairement péjoratif sur le vieillissement dans les sociétés occidentales peut s’ajouter au vécu déjà difficile des personnes âgées où ils ne se sentent plus appartenir au monde qui les entoure.

Le placement en maison de retraite, ou encore les longs séjours à l’hôpital où la personne est totalement passivée et généralement peu consultée, constituent également une particularité du vécu des personnes âgées et dépressives. De changer d’environnement alors qu’on a toujours connu celui-ci ou encore passer de longues journées à l’hôpital peut générer d’intenses sentiments de tristesse dû entre autres à la perte de repères, au sentiment d’isolement, ou l’impression de ne plus être maitre de son corps.

La dépression de la personne âgée peut démarrer après un processus de deuil long. La perte d’un être cher, le rétrécissement du cercle social (pour cause de décès mais également de mauvaise audition, une mauvaise vue, une difficulté à se déplacer, un isolement sensitif) exacerbe le sentiment de perte et peut s’installer dans le temps.

La dépression peut également être confondue avec les maladies neurodégénératives comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson. Les premiers signes de démence sont un ralentissement de la réflexion, une baisse de la concentration, une confusion, des difficultés à se rappeler d’évènements, à trouver des mots. Signes que l’on retrouve dans la symptomatologie des troubles dépressifs. C’est avec le temps qui passe que le diagnostic s’affine et se précise puisque là où la personne dépressive peut se plaindre amèrement de sa perte de mémoire, la personne souffrant de troubles cognitifs ne le réalise pas. Là où la personne dépressive oublie rarement les événements actuels importants ou les questions personnelles, la personne atteinte de démence perd petit à petit sa mémoire à court terme.

La dépression est souvent difficile à diagnostiquer chez les personnes âgées aussi parce que les symptômes sont moins perceptibles. Elles ont significativement moins d’interactions sociales, elles ne travaillent plus et sortent moins. Les personnes âgées font aussi partie d’une génération avec un accès moindre aux connaissances sur la psychologie, et ont moins de propension à consulter un psychologue, car cela est associé à être fou ou être faible. Alors elles s’intéressent moins à leur bien-être psychique, certaines n’ont jamais consulté de psychologues de leur vie et potentiellement ont accumulé des automatismes pathologiques.

Pour conclure, dans sa forme la plus grave et très liée à la vieillesse nous pouvons parler de syndrome de glissement il s’agit d’une autre forme de dépression. C’est un élément déclenchant (deuil, chute, institutionnalisation, maladie) qui est suivi assez rapidement d’une impression de lâcher prise sur la vie avec un désinvestissement massif de ce qui a trait à la vie, opposition aux soins, refus alimentaire, repli sur soi, refus de communication. Attitudes aboutissant en général au décès malgré la persistance des soins médicaux. Le sujet est dans le désir de mort mais cet aspect reste inconscient car il n’est pas verbalisé.

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Comment accompagner une personne âgée qui semble traversée par une dépression ? 

Il faut garder en tête que la dépression, par essence, entrave la capacité du malade à chercher de l’aide. La présence de l’entourage a alors toute sa place et peut se révéler essentielle. À ce titre, restaurer les communications interpersonnelles et établir un climat de confiance en posant des questions et en faisant preuve d’écoute et de patience peut être salvateur. Afin d’éviter que la personne âgée ne se sente coupée de tout, il est déterminant de rester dans la communication. Concrètement, un bon point de départ peut être de veiller à corriger les problèmes auditifs et visuels qui, sans soins, entraînent un isolement sensitif et parfois affectif. Si la personne a des difficultés à marcher il est intéressant d’avoir recours à une association d’aide à domicile (comme l’ADIAM) afin de continuer à sortir à l’extérieur. Ou encore faire appel à une personne tierce pour réaliser les tâches ménagères du quotidien. Ensuite, la mise en place d’adaptations simples peut amorcer un changement bénéfique, comme s’exposer quotidiennement à la lumière, dont les personnes âgées, peu mobiles, manquent souvent. Le maintien d’activités physiques et intellectuelles est également déterminant dans la lutte contre la dépression. Ou encore s’exposer à des nouveautés, regarder un film qui n’a jamais été vu, écouter de nouvelles musiques.

Enfin, le grand âge n’empêche pas la prescription d’un traitement à base d’antidépresseurs, il sera simplement adapté et débutera à faible dose, car plus l’organisme est âgé, moins il élimine les toxines facilement. Il pourra être associé à une psychothérapie, qui peut donner d’excellents résultats à condition qu’elle rencontre l’adhésion du patient.  

En conclusion, même s’il est impossible de lutter contre les affects d’une personne, l’entourage aussi bien personnel que médical joue un rôle important dans la période de fin de vie de nos ainés ! Ecoutons les personnes âgées quand elles nous font part de leur difficulté mais écoutons les aussi nous narrer leurs expériences de vie, on y trouve parfois des trésors ! Rappelons-nous que plus une personne avance en âge plus elle a des histoires, des expériences de vie à partager.

 

Bibliographie

Bergua, V. (2018). Chapitre 3. Leçon n° 2. Psychogérontologie: 5 leçons fondées sur des cas cliniques (pp. 39-53). Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur.

Goudemand, M. (2010). Les états dépressifs. Lavoisier.

(1) Tison, P. (2023). 19. Les troubles dépressifs. Psychologie du vieillissement en 40 notions (pp. 133-143). Paris: Dunod.