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Transcription de l’émission radio :  le Docteur jacques Lambrozo, Président de l’adiam, présente les services d’aide et de soins à domicile

Radio : Jacques Lambrozo bonjour, heureux de vous retrouver sur les ondes de Radio J pour une émission que nous allons retrouver une fois par mois qui est consacrée à la gériatrie. On verra de quelle manière vous êtes je rappelle à nos auditeurs médecin interniste et gériatre et évidemment Président de l’adiam cette institution pour le maintien à domicile des personnes âgées.

Pourquoi consacrer une émission à l’âge, aux personnes âgées, et au vieillissement ?

Jacques Lambrozo : Je crois que l’une des missions de la radio est de distraire mais aussi de traiter du sujet qui concernent tout un chacun.

Le vieillissement est une chose inéluctable que nous connaîtrons tous du moins je le souhaite après avoir échappé aux maladies infectieuses, aux cancers ou aux maladies cardiovasculaires qui peuvent sévir plus tôt dans la vie.

Il faut aussi rappeler l’extraordinaire augmentation d’espérance de vie, puisque nous gagnons dans les pays occidentaux (mais pas seulement) environ 3 mous tous les ans, avec un différentiel entre les hommes et les femmes qui persiste mais qui s’amenuise.

Quelques chiffres L’espérance de vie à la naissance atteint 79,5 ans pour les hommes et 85,4 ans pour les femmes en 2017 en France métropolitaine. Au cours des 60 dernières années, les hommes comme les femmes ont gagné 14 ans d’espérance de vie en moyenne.

Les modes de vie féminins sont de plus en plus semblables à ceux des hommes, qu’il s’agisse des durées de travail ou des types d’activité professionnelle, de consommation de tabac notamment.

Et ce n’est pas fini :

l’Insee applique aux années futures les évolutions actuelles. Pour 2070  l’espérance de vie à la naissance atteindrait 93 ans pour les femmes et 90 ans pour les hommes.

A quoi tiennent ces avancées remarquables ?

  • Aux progrès de l’hygiène : propreté, consommation d’alcool de tabac et peut être aussi de sel et certaines matières grasses,
  • Aux progrès des conditions de vie et de travail (je pense à la pénibilité des métiers à fort investissement physique.

Le travail d’un bûcheron de nos jours n’a plus rien à voir avec celui son père ou de son grand-père.

Les progrès de la longévité tiendront à l’avenir pour partie à ceux de la médecine, à sa capacité à ralentir les effets du vieillissement : souvenons-nous des progrès et de la capacité à réparer les organes qui dont les fonctions se détériorent avec le temps. Avec le traitement de la cataracte, de la pose des prothèses de hanche, de genou, d’épaule qui permet de retrouver une autonomie confortable.

Pourriez-vous vous présenter et présenter vos activités dans le domaine de l’aide à domicile à Paris ?

Jacques Lambrozo : Je suis médecin, interniste et gériatre et, parce que la dimension sociale de la gériatrie est au moins aussi importante que la dimension proprement médicale, je préside activement l’adiam qui est la première association parisienne d’aide à domicile et de sois infirmiers çà domicile.

En effet aider une personne âgée en toute dignité et sécurité est une affaire d’équipe où interviennent les familles, les aidants, les médecins, les infirmières, ergothérapeutes, psychologues et les auxiliaires de vie.

Que dit la tradition face à l’avancée en âge et à la personne âgée ?

Jacques Lambrozo : Il y a des visions contrastées.

Une vision disons pessimiste et nostalgique, je cite : «  le jour où les gardiens de la maison fléchissent, les homme vigoureux s’affaiblissent, les broyeuses devenues rares restent oisives, et où celles s qui regardent  à travers le lucarnes voient trouble, quand les portes de la rue se ferment , quand s’estompe le bruit du broiement… quand on s’effraie de toute montée, l’amandier fleurit la sauterelle devient un fardeau ».

Une vision plus sympathique et plus constructive dans Kedoshim (19- 32) : «  tu te lèveras devant le vieillard et honoreras l’ancien ».

Cela ne signifie pas seulement lui laisser la place dans métro, c’est beaucoup plus que cela. C’est lui montrer de la déférence, c’est-à-dire être reconnu comme une personne à part entière qui dans le travail de sa vie a justement permis qu’il y ait un métro et des sièges, et dont la parole doit (je ne dis pas mérite) d’être écoutée car il a quelque chose à dire de signifiant.

C’est uniquement sur cette base que l’on peut bâtir une société civilisée, c’est à dire où la personne âgée demeure un acteur et non pas un figurant plus ou moins bien accepté ou considéré.

Pouvez nous dessiner le paysage actuel de la population âgée en France ?

La part des personnes âgées dans la population française a augmenté ces dernières années en passant de 4,5% à 5,8% entre 2005 et aujourd’hui.
En 2015, la France comptait plus de 5,8 millions de personnes âgées de plus de 80 ans contre 2,8 millions il y a 10 ans. Dans le même temps, la population totale a augmenté mais pas dans les mêmes proportions.
La part des femmes parmi cette population s’élève à plus de 65 %.

A titre de comparaison :
En Europe, l’Italie (6,5%) possède la part la plus importante des personnes âgées de plus de 80 ans chez ses habitants (voir graphique) suivie de la Grèce (6,2 %) et de l’Espagne (5,8 %). La France se situe en quatrième position avec un taux légèrement plus faible que l’Espagne.

Au 1er janvier 2050, la France compterait plus de 20 millions de personnes de plus de 65 ans, soit 8,6 millions de plus qu’en 2013. La population des seniors augmentant plus que l’ensemble de la population, +1,5 % en moyenne par an.
Les plus de 75 ans représenteraient 16,4 % de la population, 12,1 millions de personnes, contre 12% actuellement.

Alors nous serons tous, ou presque, centenaires ?

Il y a en France actuelle en 2018 21 000 centenaires soit 12 fois plus qu’il y a quarante ans.
De plus :
– 49% de ces 21 000 centenaires vivent chez eux
– Et 30 % d’entre eux vivent seuls, le plus souvent avec une assistance, mais pas toujours !

Et j’allais l’oublier, il y a même des super centenaires qui ont plus de 110 ans, et fait remarquable ce sont toutes des femmes, ce qui explique peut-être le mot d’Aragon qui disant que la femme est l’avenir de l’homme…

En fait nous ne connaissons pas quelle est l’espérance de vie limite de l’espèce humaine et si Mme Calment a pu vivre jusqu’à 120 ans et 6 moi c’est bien que ce soit possible et que cela devrait se retrouver chez d’autre personnes.
Ainsi, un bébé né en 2018 ne connaîtra pas tout au long de sa vie les conditions de mortalité de 2018.
A moins d’une catastrophe écologique ou d’une guerre, il vivra très probablement plus longtemps que l’espérance de vie ne l’indique aujourd’hui, si les progrès reprennent. Beaucoup auront plus de 100 ans et donc atteindront l’année 2118 !

Quels conseils donner en matière de prévention du vieillissement ?

(ceci nécessitera une émission complète mais d’ores et déjà on peut….)

Je citerais la règle des 5 A qui permet de définir un programme de lutte contre le vieillissement :

1. A Comme Activité : c’est à dire en se donnant constamment des buts à remplir, la retraite n’est pas une fin en soi mais le début d’autres passions à développer,

2. A comme Alimentation : l’équilibre alimentaire favorisant le prise de protéines est primordial. Ici il est interdit d’interdire !

3. A comme Affection : être entouré de l’amitié, de la tendresse, voire même de poursuivre une sexualité : tous facteurs qui permettent de donner run sens à son quotidien

4. A comme Altruisme : ne pas se replier, se recroqueviller, vivre en autarcie physique et mentale mais au contraire penser et donner à l’autre
5. A comme Auto surveillance c’est à dire se préoccuper de son bien-être et de sa santé, poser les questions et savoir les traiter pour ne pas être un jour submergé par la maladie.

Pour le médecin que vous êtes quels sont les enjeux auxquels est confrontée la vieillesse (ou l’avancée en âge) ?

Chacun selon son vécu proposera tel ou tel enjeu à composante à la fois médicale et affective, mais tout bien pesé l’enjeu spécifique n’est pas le vieillissement en soi, d’ailleurs très difficile à définir objectivement ; et dont on peut souvent ou parfois bien s’accommoder mais avant tout, je dirai uniquement, la perte d’autonomie et la dépendance.

Il suffit pour les plus jeunes d’avoir fait l’expérience, à la suite d’une immobilisation par exemple pour une fracture, d’avoir besoin d’une aide pour se déplacer, pour manger, se laver, pour comprendre ce que signifie la perte d’autonomie physique à laquelle s’ajoute bien souvent le désenchantement, la perte de perspective, l’idée de la fin inéluctable, du temps qui est à la fois trop long et passe aussi trop vite, des absents qui fait que l’on se trouve seul sans les proches et  les amis qui ont eu déjà disparus , ce qui accentue la tonalité grise que prennent les fins de vie …..

Ceci dit il y a au plan médical des précautions et des objectifs :

  1. l’activité physique et intellectuelle
  2. la compensation des déficits sensoriels : l’œil, l’oreille, les dents,
  3. Ce qui nous amène à l’alimentation et à la surveillance du poids,
  4. Poursuivons par les vaccinations :  oui encore à cet âge : la grippe, contre la pneumonie, contre le zona puisque nous avons la chance d’en disposer maintenant,
  5. Le maintien et le développement des activités sociales pour lutter contre le risque d‘isolement et de solitude,
  6. Enfin l’aménagement du domicile

je pense, entre autres, aux chemins lumineux qui permettent de se lever la nuit sans trop risque de tomber, et autres applications domotiques avec peut-être  un robot pour effectuer les tâches quotidiennes difficiles te nous tenir compagnie (cela existe déjà à titre expérimental dans une EPHAD à Bordeaux.

Mais pour nous rassurer il y a eu quand même de grands vieillards qui ont vécu intensément jusqu’à leur disparition ?

Encore un sujet à part entière
Dans le domaine du spirituel, dans le domaine de la création artistique, dans le domaine scientifique…et je ne parlerai volontairement pas du domaine politique.

En un mot : l’avancée en âge, la vieillesse est maintenant porteuse d’avenir et d’espérance : ceci est fondamental !!

Dans le domaine spirituel retenons qu’il n’y a pas de retraite pour de grands maîtres du monde spirituel : je pense au Pape mais je pense aussi aux Rabbanim : le Rav Kadouri mort à 107 ans et cabaliste, le Rav Aaron Steinmann décisionnaire du monde ashkénaze mort récemment à 104 ans, et à tout seigneur Moise mort à 120 ans.

Au plan scientifique Citons Pasteur qui en 1885 à l’âge de 63 ans, âge de la retraite, découvre le vaccin contre la rage.

Victor Hugo écrit le roi s’amuse à 80 ans.

Enfin et c’est un record, le plus âgé à avoir obtenu le prix Nobel était Leonid Hurwicz à l’âge de 90 ans : prix Nobel de sciences économiques en 2007.

Pour terminer donnons justement le dernier mot à Victor Hugo :
« Car le jeune homme est beau mais le vieillard est grand
Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens
Mais dans l’œil du vieillard on voit de la lumière. »

 

Radio : Merci Docteur Lambrozo, interdis de vieillir, telle est l’émission qui sera désormais consacrée à la gériatrie en compagnie du Président de l’adiam Docteur Jacques Lambrozo.

Jacques Lambrozo :  Merci beaucoup Guy.