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À l’heure où le livre de Victor Castanet : « Les fossoyeurs » occupe librairies et médias avant, peut-être, d’occuper les prétoires, la Cour des Comptes a mis en ligne le 24 janvier dernier un rapport intitulé : » Les services de soins à domicile. Une offre à développer dans une stratégie territorialisée de gradation des soins. » rapport qui pour l’instant du moins a encore peu retenu l’attention.

Il s’articule avec un précédent rapport datant du 12 juillet 2016 intitulé : « Le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie. »[1]

Objectif : « le virage domiciliaire  »

Sous ce vocable par trop technocratique se cache une réalité humaine et sociale. Coïncidence peut-être, concomitance sûrement, le rapport traite de l’autre volet du maintien à domicile des personnes âgées, c’est à dire du « virage domiciliaire ». En effet, la politique du grand âge qui devait être définie dans une loi « Grand âge et autonomie » à ce jour toujours attendue et espérée se partage pour l’essentiel entre le maintien à domicile assisté par les aidants et les différents services de soins à domicile[2] et l’institutionnalisation en EHPAD.

Prenant en compte des considérations financières importantes qui vont aller croissant et le souhait de la très grande majorité des personnes âgées de « finir leurs jours chez elles » il analyse les conditions du maintien à domicile des personnes âgées de plus en plus fragiles et dépendantes à mesure que l’âge progresse.

Le maintien à domicile est schématiquement, basé sur les services de soins infirmiers à domicile et les auxiliaires de vie. Les services de soins infirmiers à domicile sont pris en charge par l’assurance-maladie. L’intervention des auxiliaires de vie est basée sur un tarif fixé par les pouvoirs publics et selon les revenus des personnes âgées, persiste ou non un reste à charge. Il ne s’agit donc pas d’un service gratuit. Enfin dans cette activité coexistent des sociétés privées à but lucratif (dont certaines sont liées aux grandes structures notamment Korian, Orpéa) et des structures associatives à but non lucratif.

Il faut encore souligner que le maintien à domicile a ses limites pour des raisons d’organisation et de sécurité et il ne peut pas prendre en charge toutes les situations. Ainsi les sujets très dépendants en GIR[3] 1 ne constituent que 2 % de l’effectif des Ssiad , tandis que les sujets un peu moins dépendants en GIR 2 totalisent 31 % de l’effectif pris en charge , ce qui n’est pas négligeable , ceux en GIR 3 : 26 % et en GIR 4 : 32 %. Pour des raisons d’organisation et d’efficacité les services, dont la dotation est limitée, recherchent une répartition équilibrée entre les patients en GIR 1 et 2 et les patients en GIR trois et quatre ce qui est normal. De plus, l’existence et le développement de SSIAD renforcés complètent le dispositif notamment pour des situations de grande dépendance ou aiguës et souvent transitoires.

Il y a donc une complémentarité entre les services de soins à domicile et les EHPAD. Le rapport mentionne que « les entrées en EHPAD ne concernent que 20 % des personnes prises en charge ». Derrière ce chiffre se regroupent pour l’essentiel, l’isolement social, les déficits de la mobilité, les troubles de la continence et les déficits cognitifs Ce chiffre montre aussi, et à la fois, les limites du maintien à domicile mais aussi les capacités existantes pour l’assurer.

Les SPASAD : la bonne martingale du maintien à domicile

Le complément naturel et à mon avis quasi indispensable des soins infirmiers est l’aide à domicile. « Elle accompagne les personnes âgées dépendantes et personnes handicapées dans l’accomplissement non seulement des tâches mais également des actes essentiels de la vie quotidienne ».

La coordination et la répartition entre soins infirmiers et aide à domicile est au mieux assuré par les Spasad,[4] qui de plus permet d’assurer une plus grande fréquence des passages au domicile et donc plus de présence auprès des personnes âgées.

Au total il faut retenir quelques idées force qui permettront de guider l’action.

La grande majorité des personnes âgées, même en perte d’autonomie plus ou moins importante, demeure à son domicile et souhaite le rester[5]. Un bon exemple est apporté par la situation des pays nordiques « où le nombre de places en institutions médicalisées rapportée à la population des personnes de 65 ans diminue alors qu’il reste stable en France ». Le rapport fait d’ailleurs remarquer que : « la réalité de l’offre de soins continus pour autant d’être marqué par la prégnance de l’accueil en établissement »

Le maintien domicile trop longtemps regardé avec une condescendance certaine par les pouvoirs publics, priorisant l’hospitalo-centrisme des Ehpad , devient désormais  une priorité qui est,  au mieux assurée avec le médecin traitant, par les Spasad. . « L’accompagnement en SSiad ou en Spasad, alternative efficace à l’EHPAD pour des personnes dépendantes qui bénéficient d’un entourage social aidant. »

Partager les recommandations du rapport et plus encore

Nous partageons le constat du rapport à savoir le retard français dans le maintien à domicile vis-à-vis de l’offre en Ehpad [6], ce qui n’a pas préparé nos sociétés à absorber le choc démographique des baby-boomers qui arrivent .

Mais l’essentiel est d’y parvenir.

Des pistes ? Développer l’attractivité du métier au sein des Service soins infirmiers à domicile et des services d’aide à domicile, à la fois au plan financier mais aussi sociologique. Définir le rôle et la place des infirmiers libéraux qui participent déjà à ce maintien. Promouvoir les CPOM (contrats pluri annuels d’objectifs et de moyens) mieux adaptés à la complexité des situations à prendre en charge. Compléter les SSIAD par des « SSIAD renforcés » Autant d’exemples qui n’épuisent pas le champ des possibles.  Les services de téléassistance senior sont d’une aide précieuse pour les personnes âgées dans le cadre du maintien à domicile, dans la mesure où ils sécurisent la personne âgée grâce à des dispositifs facilitant la mise en relation avec un téléassistant, disponible 24h/24 et 7j/7, qui peut prévenir les secours en cas de problème.

Ne boudons pas notre plaisir. Après le rapport Libault de 2019, celui de la Cour des Comptes qui définit une politique cohérente et actualisée du maintien à domicile vient encourager ceux qui, tous les jours, sur le terrain, démontrent que dépendance et maintien à domicile sont compatibles.

Sources  :

[1] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20160712-maintien-domicile-personnes-agees.pdf. Dernière consultation février 2022

[2] Il convient cependant de ne pas méconnaître la place des soins infirmiers effectués en libéral (qui peuvent de plus intervenir au sein d’un SSIAD par une convention). Ils sont prescrits également par le médecin traitant et ce sont les infirmiers libéraux qui définissent le programme de soins. La difficulté réside dans le financement de ces actes. Il était prévu un bilan de soins infirmiers (BSI) sur la base d’un forfait journalier applicable dans un premier temps aux sujets âgés de plus de 90 ans et ensuite étendu progressivement aux classes  moins âgées, mais cette extension a été bloquée par la CNAM pour des raisons budgétaires.

[3] https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/preserver-son-autonomie-s-informer-et-anticiper/perte-d-autonomie-evaluation-et-droits/comment-le-gir-est-il-determine. Dernière consultation le 8 février 2022.

[4] Loi dite ASV du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

[5] C’est le souci de plus de 85 % d’entre eux : enquête IFOP 2019.

[6] Dont témoigne objectivement la répartition des budgets alloués